Faudra-t-il bientôt passer une visite médicale pour garder son permis B ?

C'est un serpent de mer. Très régulièrement, arrive sur le tapis de la réglementation, l'obligation pour les automobilistes âgés de passer un contrôle médical qui validerait ou invaliderait leur permis B. Face à cette mesure, les associations de conducteurs lèvent leur bouclier, certaines appelant même à signer une pétition pour refuser cette réforme. Qu'en est-il vraiment ? Camping-Car Magazine a enquêté.

Le 10 octobre dernier, nous avons publié ici même un article expliquant que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires réfutait l'idée d’instaurer une visite médicale pour les détenteurs du permis B âgés de plus de 60 ans.

Quatre mois après cette annonce, le dossier du contrôle médical pour les automobilistes âgés revient sur la table, par le prochain vote au Parlement européen du projet de visite médicale à passer tous les 15 ans pour renouveler son permis de conduire. Projet défendu par la députée verte Karima Delli.

Il n'a pas fallu longtemps pour que les associations de défense des automobilistes, dont 40 millions d'automobilistes et la ligue de défense des conducteurs s'alarment face à ce projet de loi et appellent les conducteurs à le combattre en signant une pétition mise en ligne.

Les va-et-vient incessants de cette proposition ne peuvent qu'alarmer les détenteurs du permis de conduire et, en particulier, les personnes âgées de plus de 60 ans qui semblent être les plus visées par cette mesure. On comprend donc bien que si cette proposition de loi était adoptée par la France, elle provoquerait de grandes conséquences parmi les camping-caristes, dont on sait qu'une majorité a dépassé la soixantaine.

Mais qu'en est-il, réellement ? Ce projet de loi, s'il était adopté serait-il vraiment préjudiciable aux automobilistes ?

Pour obtenir une réponse, nous avons posé la question à Bruno Garancher, le Président de la FFCC, Président de l’UNIDEC (Union Nationale Intersyndicale des Enseignants de la Conduite) et ancien directeur de l'ECF (Ecole de Conduite Française).

En premier lieu, explique Bruno Grancher, le permis de conduire en France entre dans la catégorie des autorisations administratives

Ce n’est pas une subtilité, car cela veut dire que l’administration doit retirer l’autorisation dès que les conditions de délivrance de l’autorisation ne sont plus remplies.

Pour ce qui concerne le permis de conduire en France, comme dans le reste de l’UE, sa délivrance repose sur une vérification des compétences et sur une aptitude médicale. L’aptitude médicale est encadrée par l’arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée. La vérification des compétences est encadrée par l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire.

D’ores et déjà, donc, tout conducteur dont l’état de santé n’est pas conforme aux obligations définies est censé restituer son permis de conduire. Un candidat au permis de conduire de catégorie A ou B certifie aujourd’hui sur l’honneur ne pas être atteint d’une affection susceptible d’entraîner une incapacité. Les candidats aux catégories du groupe lourd et les titulaires de ces catégories sont, eux, soumis à visites médicales périodiques.

Ces éléments réglementaires sont bien évidemment conformes à la directive européenne.

En second lieu, voyons ce que modifierait l’adoption de la proposition de Karima DELLI

Dans les faits… pas grand-chose, car les Etats membres auront toujours la possibilité d’adapter les conditions d’application de cette règle. Et la France tient une position constante sur le sujet, qu’il s’agisse de la mise en place d’une visite médicale liée à l’âge ou sur une visite médicale périodique.

Au-delà d’une volonté de ne pas stigmatiser, le gouvernement se heurte à une impossibilité technique de mise en place. Pas assez de médecins agréés, pas assez de temps disponible pour assurer ces visites médicales.

Le Conseil National de Sécurité Routière a d’ailleurs produit deux recommandations (ci-dessous) qui ont toutes les chances d’être suivies d’effet sur le renouvellement et sur les deux thèmes autour du renouvellement :

En résumé :

  • Le permis de conduire n’a jamais été délivré « à vie ». C’est pour le moins un abus de langage.
  • Sa délivrance est soumise pour les Etats membres à une obligation de vérification des compétences et des aptitudes (et sous leur responsabilité, fonction régalienne).
  • En prévision de la future directive européenne, la France est en train de déployer un dispositif faiblement contraignant tous les 15 ans (renouvellement du titre et donc certification sur l’honneur de l’aptitude médicale pour les catégories B et A), et suivi du module de e-formation.
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