Avec ses airs de gros jouet, “notre” Joker ne passe pas inaperçu dans la circulation cherbourgeoise. Sa couleur crème apporte un peu de gaieté à cette morose journée d’hiver, où les carrosseries brillent par la tristesse de leurs gris plus ou moins foncés. Les regards se tintent d’une petite étincelle et quelques pouces se lèvent au passage de l’équipage. Mais la majorité n’imagine pas les atouts cachés de ce mini-camper signé Westfalia. L’histoire entre Volkwagen et l’aménageur est celle de deux destins croisés puisque la seconde n’existerait pas, sous la forme qu’on lui connaît, sans la naissance de la première. Quand la “voiture du peuple”, débarrassée de son encombrant commanditaire, commence à construire sa fameuse Coccinelle, la nécessité d’un utilitaire dans l’embryon de gamme ne tarde pas à se faire sentir. Ce sera le Type 2 T1 (la Coccinelle étant le Type 1). Nous sommes en 1950 et il ne faudra qu’un an à Westfalia pour développer, à la demande d’un officier britannique basé en Allemagne, une version camper. Dès lors, le succès est au rendez-vous et Westfalia devient quasiment un nom commun avec le temps.
Un T3 entre modernité et tradition
Trente ans plus tard, en 1978 plus précisément, le T3 entre dans la danse. Plus moderne dans ses lignes (d’aucuns diront moins joli), il conserve cependant l’architecture à moteur en porte-à-faux arrière et des blocs quatre-à-plat refroidis par air, des technologies alors désuètes. Westfalia dévoile son Joker cette même année. Ou plutôt ses Joker puisque la gamme ne comporte pas moins de six déclinaisons numérotées de 1 à 6. Pour faire simple, tous reposent sur deux implantations typiques de Westfalia : meuble cuisine et rangement côté gauche et banquette transformable – la capacité de passagers de cette dernière différenciant les versions impaires (deux places) et paires (trois places). Les Joker 1 et 2 disposent d’un toit relevable, les 3 et 4 d’une rehausse fixe et les 5 et 6 reçoivent un toit pop-up avec excroissance sur l’arrière permettant ainsi de laisser, sur le lit haut, draps, couvertures et oreillers.
Pour être exhaustifs, il faut évoquer les Sport Joker (1982), des versions simplifiées, le Club Joker (1983) avec sofa en L à l’arrière, ou encore le kit Mozaïk qui offrait la possibilité d’aménager son propre Joker dans son garage.
Historique limpide, passé mystérieux…
Notre exemplaire du jour, un Joker 1, date de 1983 et profite, dans le jargon VW fan, d’un watercooled, c’est-à-dire qu’il est à refroidissement liquide (celui à air a définitivement disparu l’année précédente). Il s’agit d’un 1.9 essence à carburateur de 78 ch, disposant toujours ses quatre cylindres à plat (sur le T3, seuls les diesels étaient des 4-cylindres en ligne). L’aménagement reste typique des réalisations Westfalia avec un meuble comprenant la cuisine et les rangements côté gauche, ainsi qu’une banquette qu’il suffit de déplier pour la transformer en couchage avec l’aide d’un complément de matelas installé au-dessus du moteur. Le toit pop-up cache un lit dépliable. Il convient toutefois de souligner les quelques astuces bien pensées, comme la table principale se réfugiant contre la paroi pour la route ou le deuxième salon constitué des sièges de cabine pivotants (à seulement 90° pour celui du conducteur) et d’une autre table, plus petite. Vendu neuf en France par la concession Samco Créteil, comme en témoigne la plaque de distributeur apposée à l’arrière, certaines spécificités de ce Joker interpellent. Les pare-chocs américains et la boîte automatique trois vitesses sont en effet d’origine, et Alain a découvert que le T3 qui a servi de base a été assemblé au Brésil, sans doute destiné au marché états-unien au départ. Comment est-il arrivé dans l’Hexagone ? Le mystère reste entier. Ce qui est clair, en revanche, c’est son passé limpide que confirme son bel état de préservation tant intérieur qu’extérieur. Un modèle de cinquième main, mais un dossier de factures complet. Alain a joué la sécurité après une première expérience amère. Ce fana de voitures américaines (son Westfalia dort en compagnie d’une Ford Mustang et d’un Plymouth Barracuda…) et amateur de camping depuis belle lurette désirait un petit véhicule à la croisée du campervan et de la collection pour une utilisation vraiment loisirs. Et avec son épouse Anne, ils en ont déjà bien profité, depuis un peu plus d’un an : rassemblements, vacances, dont un grand périple en Espagne notamment dans les Bardenas Reales… Ils n’hésitent jamais à prendre le large, à bord de leur magnifique Joker.