Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 2

Un troisième confinement pour lequel Matthieu C. a choisi son camping-car plutôt que son domicile pour s’isoler. Il nous partage à cœur ouvert, son quotidien de camping-cariste, d’enseignant à l’université et de confiné…

  • © Matthieu Constanzo
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© Matthieu Constanzo
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L'installation au camping Larribal de Millau, dans l'Aveyron, s'est faite de manière tellement exceptionnelle ! Imaginez plutôt : l'ami d'un ami de parapentiste me propose un espace pour moi tout seul, avec des canards pour seuls voisins, le long d'un méandre du Tarn. Un espace mi-ombragé quand le soleil se fait cuisant et assez dégagé pour permettre de déployer l'antenne satellite (indispensable pour regarder les informations). Calme, sécurité, sérénité. J'ai une bonne étoile qui veille sur moi. C'est un petit coin de paradis avec une vue imprenable sur le site de décollage de la Pouncho et d'où je peux voir la manche à air. C'est tout simplement GÉNIAL !

© Matthieu Constanzo

Évidemment, je ne suis pas en vacances : j'assure mes cours en distanciel sur la plateforme Teams, lien unique tous les jours avec mes étudiants en visio. Drôle d'époque, où cette génération (un peu sacrifiée) ne sait pas à quelle sauce elle va être mangée : diplôme final, contenu des enseignements qui est nécessairement différent en cette période, incertitudes sur les embauches futures. Déjà que ce n'était pas évident avec un Bac+5, mais que ce soit un job d'été ou à temps partiel ou un futur CDI, l'avenir me semble bien sombre dans le contexte sanitaire et économique actuel. J'ai personnellement aimé mes études. Certes l'esprit était plus compétitif (classes prépa et concours), mais on avait une perspective durable. En 2021, je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour une immense majorité d'étudiants. Certains me le confient parfois et, de temps en temps, nous enseignants, recevons des emails d'étudiants qui sont désespérés par leur futur improbable quand il n'est pas entaché par une contamination Covid-19 personnelle familiale, et on voit bien qu'une forme de dépression se tapit derrière la syntaxe et le vocabulaire employé.

 

Des générations d'étudiants vraiment sacrifiées

J'enseigne dans une petite faculté et l'enseignement hybride ou comodal (moitié présentiel, moitié distanciel) avait été mis en place. Pour des raisons sanitaires, il n'y avait que la moitié des effectifs, ce qui était gênant pour ceux restés chez eux, car ils m'entendaient mal (malgré l'achat d'un amplificateur de voix), ils n'entendaient pas du tout leurs camarades qui posaient des questions... Je ne vous parle pas du tableau difficile à percevoir à la webcam. Obligé de tout faire via PC. Au final, la plateforme numérique Teams (ou Zoom) est plus égalitaire et plus profitable au niveau technologique, mais cela nécessite des étudiants d'avoir un connexion Wi-Fi ou 4G performante... Or, ce n'est pas tout le temps le cas, je l'ai même vu dans les interrogations individuelles avec images pixellisées ou absentes. Certes, il y a le smartphone et la caméra vidéo, mais pas pratique pour l'étudiant de le tenir d'une main.

Alors, oui, il y a eu des générations d'étudiants vraiment sacrifiées (conflits militaires mondiaux notamment), mais cette génération 2020-21 a beaucoup de difficultés et ma pratique a nécessairement évolué, devant prendre en compte les différences ne serait-ce que d'accès à l'outil informatique. Je me rappellerai toujours cet oral depuis une cage d'escalier, une salle de bains ou une rue, parce que le réseau, parce que le bruit, parce que le manque de place... Je n'en n'aurais jamais été conscient avant les visios.

 

Mon camping-car transformé en bureau

Alors de mon camping-car transformé en bureau, je ne peux qu'apprécier ce qui m'entoure : le calme, la nature, la quiétude, la tranquillité en ces temps troubles et incertains. Depuis un an que la pandémie dure, ponctuée par les différents confinements et autres couvre-feux, j'ai appris qu'il fallait profiter du moment présent, de n'importe quel détail qui positive la vie, car les nouvelles que l'on entend dans les médias ne sont pas bonnes : masques, tests, vaccins, vaccins avec complications, nouveaux variants plus résistants et plus contagieux, réanimations, décès.

© Matthieu Constanzo

L'an dernier, on savait qu'on en aurait pour 8 semaines. Depuis le 3e confinement, on sait quand on est entré en "semi-confinement", mais on ne sait pas si cette histoire aura une fin avec de nouveaux "jours heureux", malgré les efforts d'une grande partie de la population, malgré les efforts désespérés de nos soignants que l'on n'applaudit plus, malgré les tentatives du gouvernement d'adoucir les choses sans que l'on comprenne la logique de certaines décisions. A quoi servent les jauges, à quoi servent les 4 puis 8 m2 si, au final, les commerces dits "non essentiels" doivent fermer ?

Des centaines de milliers de personnes vivent avec des aides, mais ils veulent plutôt travailler. Et ils sont interdits de travail. Le sanitaire est parfois le déclencheur de décisions politiques, parfois pas; quand les médecins demandent un confinement et qu'il n'est pas acté. Il manque de la lisibilité et de la cohérence.

Nous ne sommes pas 66 millions de procureurs, nous sommes 66 millions de citoyens qui avons envie de revivre comme avant, mais écartelés entre les décisions issues d'un seul homme, les chiffres quotidiens effrayants de Santé Publique France, plus tout ce qu'on peut lire ici et là. C'est en effet une période bien trouble à tous les égards et, au final, on doit se réjouir d'être encore en bonne santé, de pouvoir apprécier la douce chaleur d'un soleil printanier sur la peau, de pouvoir ressentir cette paisible brise qui caresse les feuilles bourgeonnantes des arbres qui sortent de leur léthargie hivernale.

Prenons soin de nous.

© Matthieu Constanzo

>>Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 1

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