Sur le site des Baleines

L’information avait défrayé la chronique, il y a un peu plus d’un an, un matin de septembre, à Sainte-Marie-de-Ré. Claude Faille allait assurer sa permanence à La Jalousie, une écluse à poissons comme il en existe sur l’île et Oléron. Devant lui, un banc de 21 requins risquait de s’asphyxier sur le sable, piégé par la marée descendante. Heureusement, c’était un petit coefficient. Profitons de ce fait divers pour explorer la pointe de l’île de Ré.

Construites avec des murets de pierres sèches, ces écluses en forme de fer à cheval de près d’un kilomètre existent depuis le Moyen Age. Une tradition millénaire comme ici, à Saint-Clément des Baleines, l’écluse à poissons de La Moufette. Elle est régulièrement endommagée par les assauts incessants de l’Océan. Les Rétais perpétuent bénévolement la tradition, l’entretenant contre vents et marées en utilisant la même technique qu’au XIe siècle. Ils montent les murs en croisant les pierres pour assurer leur stabilité, sans ciment ! Le piège fonctionne grâce aux marées. A marée basse, la faune marine s’y retrouve captive. Il est fréquent d’y trouver des soles, des bars, des raies ou des crevettes grises ! Ne vous avisez pas à vous y promener avec un seau et des bottes en caoutchouc : l’écluse à poisson est une zone protégée où toute pêche à pied est proscrite, à l’intérieur de sa surface de 6 ha, comme à l’extérieur à moins de 25 m. Sachez qu’il est également interdit de marcher sur les murets ! Pour avoir la plus belle vue sur La Moufette, il vous suffit de grimper à hauteur de mouette… Et la chose est aisée. Prenez votre souffle et grimpez les marches de la Vieille Tour qui lui fait face, à la pointe des Baleines. L’édifice fut construit sur ordre de Colbert et dessiné par Augier en 1669. Le trafic maritime commercial et militaire était alors de plus en plus dense et les naufrages des navires de plus en plus nombreux. Il fallait construire d’urgence des ports profonds et guider les bateaux avec des “tours à feux”.

L’histoire empirique du “Code de la route navale” du balisage et de l’évolution des phares est racontée ici, au musée du Phare, au pied de la Vieille Tour. L’approche y est grand public et Jamy, le sympathique animateur de l’émission C’est pas sorcier, rythme la visite au travers d’écrans multimédias. Il vous apprend que suite à l’invention de la célèbre lentille Augustin Fresnel, il a été décidé, au milieu du XIXe siècle, de construire le Grand Phare. Il s’illuminera en 1854, fonctionnera au pétrole jusqu’en 1882, sera doté d’une centrale de production d’énergie électrique à vapeur vers 1904, puis raccordé au réseau électrique en 1949… Il était encore habité en 2005 (nous y reviendrons). Et aujourd’hui, entièrement automatisé.

Escalier du Grand Phare
Escalier du Grand Phare

 

Depuis plus d’un siècle, ce sémaphore est une vedette. Au tout début du XXe siècle, les Parisiennes venaient en belle tenue et grande coiffe, avec le petit train de l’île de Ré, s’y faire prendre en photo. Il fallait alors un peu plus de deux heures pour y parvenir, depuis le port de Sablanceaux. Les lignes ferroviaires ont depuis été transformées en piste cyclable, le vélo étant plus que jamais le meilleur moyen de circuler sur l’île. Le phare des Baleines se visite et attire toujours autant. Il se dresse là, avec sa lanterne rouge, véritable sentinelle de la mer, et son feu qui culmine à 57 m de haut. Le rez-de-chaussée, où se trouvaient les pièces à vivre des gardiens, est en granit bleu tout comme les 257 marches qu’il vous faudra grimper. De sa balustrade, la vue à 360° justifie l’effort. La Mouflette est là, à vos pieds, légèrement à droite dans le prolongement de la Vieille Tour. Sur sa gauche, le long de la plage de la Côte Sauvage, près de l’Abri du canot de sauvetage (aussi appelé la “Porte de l’Ouest”), vous apercevrez votre camping-­car que vous aurez sagement garé au camping des Baleines. Savourez le moment… Les embruns décoiffent vos frisettes et les chauves sourient. Balayez le panorama du regard pour apercevoir toutes les nuances des paysages de l’Île osciller entre ses deux identités, terrestre et maritime. La lumière océane donne à la “perle de l’Atlantique” des paysages de cartes postales.

Redescendez le bel escalier en colimaçons. Penchez la tête et observerez tout en bas, la rose des vents. Un personnage l’a contemplée des milliers de fois, Marc Reynaud, le dernier gardien du phare des Baleines. Vous pourriez le croiser au Patio – un restaurant qui célèbre la mer, tenu par son fils Jean-Marc – souhaitant se rattraper après « la solitude du gardien de phare ». Pour passer le temps, il mettait des bateaux en bouteille. Il se dit que les marins font souvent le contraire.

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