Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 4

Notre chroniqueur Matthieu C. nous partage son quotidien de confiné en camping-car. Une dernière semaine avant la levée de la restriction des 10 km…

  • © Matthieu Constanzo
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En vacances, les jours se suivent et se ressemblent : couchers tardifs, grasses matinées, vols en parapente, petites balades à vélo. Seul le soleil n'est plus de la partie sur Millau et le Grand Sud car une dépression remonte du sud-ouest et j'entends, de temps en temps, les gouttes de pluie taper sur le toit du camping-car en faisant ce crépitement caractéristique qui empêche de s'endormir aussitôt qu'on le voudrait ou qui réveille en pleine nuit. Un peu décevant fin avril, mais les températures sont heureusement acceptables. Quand on vit dans et avec la nature, on est très "météo-sensible" et le moral dépend de l'astre lumineux. Mais plus que le soleil, ce qui est essentiel à mes yeux, c'est de nouveau la liberté de circuler à partir du 3 mai !

Car, il y a quelques heures, le Président a livré son plan de déconfinement en quatre étapes, confirmé l'abandon des autorisations dérogatoires de déplacement et supprimé la limite des 10 km. Camping-car = liberté et youpi ! Oui, pouvoir se déplacer, cette liberté garantie par l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme depuis 1948, mise à mal par l'état d'urgence sanitaire va nous être redonnée comme un fruit juteux et appétissant. Et à chaque déconfinement, c'est la même sensation suave qui revient. Comme un jouet abandonné qu'on retrouve avec délectation. Comme un objet poussiéreux que l'on ressort du grenier pour lui redonner l'éclat du neuf.

 

© Matthieu Constanzo

Trois confinements différents

Évidemment, mes trois confinements ont été différents, mais si parfaits. Beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux - et même des collègues - m'ont critiqué d'avoir fait cours à distance depuis mon camping-car, sans savoir (ou sans reconnaître) que c'était le lieu le plus sûr, car isolé et clos, et donc le plus adapté pour être à l'abri des possibles contaminations, plus que dans un appartement en centre-ville. Sans compter que le vélo, le parapente m'ont permis de garder un moral au plus haut et d'être efficace avec mes étudiants malgré la situation sociale et sanitaire. N'est-ce pas le but du télé-travail (d'autant plus que le distanciel était la règle dans les universités) ? Sans compter qu'en pleine nature, pas de voisin plus ou moins discret, pas de chien qui aboie, pas de nuisance sonore due à la circulation routière sur une avenue à 4 voies. Alors, oui, j'ai de la chance et je l'ai saisie au vol. Alors, oui, des milliers de personnes ne peuvent télé-travailler, ne peuvent aller se mettre au vert. Est-ce pour cette raison que j'aurais dû me résoudre à m'enfermer ? Que j'aurais dû me priver de ces longues semaines de confinement ? Non, trois fois non ! C'est ce que j'essaie de dire sur les réseaux sociaux.

 

Des "jalousies exacerbées"

Ces différents confinements, ces privations de liberté ont vu l'émergence de "dénonciations", de "jalousies exacerbées", car entre les fameuses zones rouges, vertes, orangées, écarlates, beaucoup de différences. Fallait-il l'uniformité ou la territorialisation ? Fallait-il les mêmes sanctions ou des adaptations géographiques et à l'intérieur d'une même zone, ceux qui circulent, ceux qui ne circulent pas, ceux qui s'autorisent à sortir etc. La France est faite de 66 millions de Gaulois réfractaires où chacun essaie de trouver son petit bonheur de chemin. Pas évident de voir le voisin partir, s'installer dans un camping, une résidence secondaire, chez des amis. Mais la vie est une somme d'opportunités, de chances ou de malchances, de hasards et de bonnes et moins bonnes choses. La classe sociale, le métier, l'état de santé, la dimension familiale et financière sont autant de variables. Non, nous ne sommes pas égaux, nous sommes juste égaux face à la loi (en principe). Est-ce un crime de jouir du soleil du Sud quand le Nord a froid ? Est-ce un crime de jouir de la quiétude de la campagne quand d'autres sont harassés par la vie en ville ? On parle souvent de l'exode des citadins vers les régions plus champêtres et également de ces mêmes citadins qui ne supportent pas le chant du coq ou l'odeur du fumier. Les temps et les moeurs changent si vite.

© Matthieu Constanzo

La bienveillance d'il y a quelques années

Ce qu'il y a de pire dans la vie de notre beau pays, c'est la dégradation des rapports entre personnes. La bienveillance d'il y a quelques années n'est plus qu'un vague souvenir, sous l'influence néfaste des réseaux sociaux où chacun "s'auto-nomme" procureur voire juge. Il n'y a certes pas une vérité, mais des vérités. Et comme chacun tire la couverture sans se préoccuper du voisin, elle se déchire en lambeaux. Je le vois dans le domaine du camping-car où il y a d'un côté ce fameux salut de la main quand on se croise et puis l'atmosphère change quand on arrive sur une aire : je me souviendrai toujours de cette jolie aire de Saint-Pourçain-sur-Sioule bondée comme ce n'était pas possible, avec des camping-cars qui prenaient la place de deux pour être "à l'aise", avec des propriétaires qui sortent tables et chaises et ne veulent pas se serrer. Je me suis garé en diagonale et on est venu taper sur ma vitre en me disant "et la distance de sécurité ?". Il y avait plus de 3-4 m... Et sur certains groupes Facebook de camping-caristes, on s'écharpe, on s'invective, on s'insulte... pour un oui, pour un non. Parce qu'untel a un liner ou parce que l'autre passe ses vacances en Andalousie, parce que l'un gare mal son camping-car ou s'est embourbé etc.

© Matthieu Constanzo

Des changements radicaux

Les années 2020-21 me font peur car présagent de changements radicaux - même entre personnes partageant la même passion. Et ce n'est pas la faute au coronavirus. Il n'est qu'un catalyseur de ce qui nous guette. Les enjeux sont immenses, les espoirs d'une France solidaire sont vains quand on voit qu'entre camping-caristes il n'y a aucune bienveillance, aucune empathie ni compassion. C'est dans les moments les plus difficiles de nos existences que se révèlent les caractères, les tendances, les attitudes, et malheureusement la pandémie révèle bien des comportements que l'on n'aurait jamais vus auparavant : repli, rejet, égocentrisme voire malveillance.

Que reste-t-il alors pour nous donner un peu de bonheur : un beau coucher de soleil dans le silence d'une nuit d'été? un paysage vierge de toute anxiété où dame nature règne en maître et seul le camping-car nous permet de son chez soi différent chaque jour d'assister au spectacle divin d'une nature qui se joue de nos états d'âme, mais qui contribue à élever nos esprits ? C'est aussi pour cela que j'aime le camping-car, que ce soit en vacances ou pas. Être au plus près de ce qui est encore accessible et apaise : la mer, la montagne, un lac, une forêt. Et là, je vous promets, tout souci disparaît. Oui vive la nature, vive la liberté d'en jouir.

 

L'essentiel pour en profiter est de faire attention à nous en respectant les gestes barrières et la distanciation. A bientôt sur les routes !

 

Par Matthieu Constanzo

 

>>Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 1

>>Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 2

>>Confinement #3 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 3

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