Ils ont longtemps fait partie du paysage automobile français, avant d’en disparaître progressivement. Usés par des décennies de labeur et des centaines de milliers de kilomètres parcourus, sans oublier une corrosion alors mal maîtrisée qui les a rongés, les Peugeot J9 ont tout bonnement déserté nos routes. En croiser un aujourd’hui relève de l’exceptionnel, surtout dans un état de conservation incroyable, comme c’est le cas ici. Et quand l’œil averti remarque les baies et, en particulier, l’emblématique lanterneau de la marque de Panissières, la nostalgie du quadragénaire (au minimum…) laisse la place à une certaine confusion. Notin a-t-elle jamais proposé des fourgons sur le petit utilitaire Peugeot à son catalogue ? Car si nous connaissons nombre de cellules sur J7 ou J9, aucune trace d’un tel aménagement dans les documents commerciaux de la marque. Annie et John, ses propriétaires, lèvent le doute : ce J9 a été aménagé à la demande et selon les desiderata de son commanditaire, échanges épistolaires et devis de 1981 à l’appui – tous les documents relatifs au véhicule ont été pieusement conservés !
Un cahier des charges exhaustif
Sur deux feuilles de papier rose, à en-tête de l’Académie de Paris, manuscrites recto-verso, on peut lire les “quelques vœux pour la réalisation de mon camping-car” formulés en 1981 par un certain M. Verrier, qui accompagnaient des plans réalisés par ce dernier : “Pas de porte latérale coulissante (…) trouvez pour cet emplacement un agencement (bar, porte-chaussures, vide-poche… glace miroir) sans gêner l’ouverture du lit. Soignez particulièrement – les bruits – calfeutrage thermique et phonique Prévoir une couchette – sur toile matelassée, tubes télescopiques et goussets en ferrures…” Dans la même enveloppe, tous les papiers fournis par Notin et nécessaires à l’immatriculation du J9 sont également présents. Un compte-rendu en règle qui permet de reconstituer l’historique de ce fourgon. Mis en circulation sous sa forme définitive le 16 juin 1981, il restera dans la même famille jusqu’en 2018, date à laquelle un couple beauvaisien s’en porte acquéreur. Ayant finalement besoin de quatre couchages, ils ne le conserveront que peu de temps. Annie et John en deviennent les nouveaux propriétaires en août de cette même année. Ces amateurs de caravaning rétro cherchaient un fourgon aménagé vintage pour leurs escapades, régulières dès le retour de la belle saison. Alors, lorsqu’ils sont tombés sur l’annonce de ce Peugeot J9, ils n’ont pas hésité longtemps. Il faut bien dire que, outre la rareté de l’engin et son état de préservation exceptionnel, le charme quelque peu suranné de son aménagement ne peut laisser indifférent.
Un plan unique, avec salle d’eau
L’absence de porte latérale coulissante impose de pénétrer à bord par l’arrière, ou bien par le poste de conduite au prix de quelques contorsions. Le mobilier est installé en enfilade sur toute la longueur de la cellule habitable avec, côté droit à partir de l’arrière, un meuble haut incluant le réfrigérateur, la cuisine avec un grand ensemble réchaud/évier/paillasse en Inox caché sous un rabat sur lequel sont fixés les deux robinets et, après un dégagement, une penderie. En rebroussant chemin, côté conducteur, on trouve deux fauteuils fixes accompagnés de deux tabourets nomades et, à l’extrême arrière, une belle surprise avec une salle d’eau tout confort : lavabo, douche et toilettes portables. Sans oublier la présence presque incongrue d’un chauffe-eau qui n’aurait pas déparé au-dessus de l’évier de nos arrière-grand-mères ! Et le couchage, demanderez-vous ? Eh bien, il se trouve rangé contre la paroi gauche et se rabat simplement le soir venu. Tout comme la table qui, elle, est calée, avec ses pieds repliables, sous le sommier. Le tout est complété par des placards de pavillon de chaque côté. Les boiseries façon cerisier et quelques détails comme le plafonnier central, la sellerie brodée, les nombreux miroirs ou encore l’horloge intégrée, donnent un petit air moderniste à l’ensemble que la lumière chaude due aux fenestrons orangés du lanterneau caractéristique réchauffe encore. Ce dernier permet, malgré la hauteur limitée, de se tenir debout à bord.
Un véritable patrimoine
Si ce J9 est, vous l'avez compris, exceptionnel, ce qui l'est encore plus c'est sa préservation assurée par ses propriétaires successifs. Car rares sont les véhicules de loisirs de cette époque a avoir pu traverser les décennies et il est d'autant plus émouvant de voir ce Notin si singulier rouler encore de nos jours !