Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 6

Ce deuxième confinement s’achève, mais les restrictions continuent. Matthieu C., confiné dans son camping-car, revient sur cette pandémie qui déstabilise le monde. Le journal de bord engagé d’un camping-cariste chevronné.

  • © Matthieu Constanzo

Semaine 6 (et dernière apparemment !) : ce jeudi 10 décembre, M. Castex, le Premier ministre a donné ses arbitrages pour les prochaines semaines. En tant que camping-cariste confiné dans le Var depuis le 1er novembre, je me réjouis évidemment de que ce mot essentiel à mes yeux LIBERTÉ résonne d'une manière particulière, car je vais pouvoir élargir le cercle de mes déplacements à des centaines de kilomètres, sillonner de nouveau la France, en fonction de la météo (soleil et vent pour le parapente), en fonction des amis à visiter, en fonction des fêtes... Non ! En fait, j'aime la vie, mais je n'aime pas ces orgies alimentaires de Noël et de la saint Sylvestre. C'est pourquoi le couvre-feu du 31 décembre ne sera pas un inconvénient. Et pour Noël, je me verrais bien seul sur une colline à scruter les étoiles immobiles, celles qui nous contemplent depuis des milliards d'années, celles qui donnent à l'imagination fertile un vaste champ d'absolue liberté; on est si petits, face à l'infini de l'univers, face à ce spectacle grandiose qui ne coûte rien. Ecouter le vent dans les feuilles des arbres, lever les yeux au firmament et se laisser aller à la rêverie. Oui, le confinement a du bon car il recentre sur le principal, sur l'essentiel. Nous sommes perdus entre les annonces officielles, les théories dites complotistes des réseaux sociaux, et on voit le pays en proie aux divagations les plus extrêmes, on s'aperçoit de la fragilité d'un système, d'une économie, d'une politique, de situations jamais figées. Les annonces, toutes plus inquiétantes, se succèdent à un rythme effréné, depuis les premiers masques de mars jusqu'aux vaccins que 50% de la population entend refuser. Chaque confinement apporte son lot de questions, d'incertitudes, de fragilités, car on assiste impuissants aux énoncés journaliers de chiffres dénombrant la mort de centaines de personnes. Et non seulement cette morbide litanie conditionne les futures décisions politiques et donc influence nos vies au quotidien, mais j'ai l'impression que c'est une sorte d'habitude inquiétante face à laquelle on ne se révolte plus. 200, 300 morts du Covid... On n'y fait plus attention si on n'a pas été concerné par le décès d'un proche. Pire, on regarde les courbes et on ne voit plus la détresse des familles, la lutte des soignants qui ont tenté de sauver ces vies.

© Matthieu Constanzo

Un deuxième confinement « rapide »

Ce deuxième confinement s'est déroulé pour moi si vite, si agréablement, entre mon boulot quotidien de prof de fac, les sorties VTT et diverses promenades dans l'arrière-pays varois souvent ensoleillé. J'ai trouvé cette fin de premier semestre intense avec parfois 8h de visio-conférence par jour à interroger des étudiants, mais agrémentées sur la fin par des vols en parapente et puis finalement débouchant sur des vacances, des possibilités de voyage et de visites donc forcément agréables en reprenant le volant de Marguerite, la fidèle compagne de mes périples. J'en ai presque oublié la tragédie des décès, les efforts immenses déployés par les soignants qu'on ne célèbre plus à 20h. Notre société est devenue parfois solidaire, parfois cruelle, souvent égoïste et chacun cherche dans les annonces ministérielles, celles qui vont agrémenter sa vie. Si on n'est pas serveur ou serveuse, propriétaire de bar, de restaurant, de discothèque, conservateur de musée, acteur ou actrice, directeur de salle de spectacle, de cinéma, si on n'est pas intermittent du spectacle, personnel de station de ski, si... si... alors on oublie vite pour se concentrer sur... soi.

 

Cette liberté bientôt retrouvée

Alors est-ce un mal de se réjouir de pouvoir profiter de la liberté de déplacement à partir du 15 décembre, sachant que le pays est à genoux, que l'économie ne va pas, que la dette dépasse 120% du PIB, alors qu'il y a 9 mois, on nous sermonnait avec le discours de la rigueur budgétaire et "le pognon de dingue" qu'on n'avait pas ? La planche à billet fonctionne pour soutenir toutes les victimes de la pandémie et les victimes économiques et c'est un bien, mais à quel prix ou quel que soit le prix ? Oui, la liberté de pouvoir - en journée - se déplacer est une maigre consolation. Mon naturel optimiste et ma philosophie "carpe diem" vont faire honneur à cette liberté bientôt retrouvée. Comme quand on sort de semaines d'hospitalisation et que l'on redécouvre des horizons nouveaux. L'aventure. Certes ce deuxième confinement n'aura pas eu la dureté du premier, car les gens circulaient beaucoup, achetaient beaucoup, et on avait parfois l'impression que le mot "confinement" avait une saveur de déconfinement avant l'heure. Est-ce légitime ? les écoles primaires, collèges et lycées sont restés ouverts, les forces vives de la nation se sont instruites. Et l'économie n'a pas totalement sombré dans le marasme. image

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© Matthieu Constanzo

Les étoiles seront toujours là

Dans 1000 ans (et même avant) nous ne serons plus sur cette planète bleue, mais les étoiles seront toujours là, imperturbables au temps qui passe, aux soubresauts de ce monde fou, à ces épidémies, ces guerres, ces conflits, ces contradictions malheureuses. Qu'est ce qui est éternel au final ? à part la dose d'amour vis-à-vis de nous-même et de nos proches ? A part la compassion vis-à-vis des utilisateurs de la Banque alimentaire, des Restos du Coeur, ou autres secours populaires et catholiques. En regardant ce ciel étoilé régulièrement, j'en éprouve un frisson de nostalgie et d'envie. Nous ne sommes rien et nous sommes tout à la fois. L'armée ou les pompiers, par exemple, sont capables de sacrifier des hommes pour sauver un unique rescapé. Nos sociétés sont capables d'envoyer des volontaires par centaines pour secourir (je pense aux sinistrés des catastrophes naturelles) ceux qui ont tout perdu et, en même temps, nous sommes capables de nous écharper pour des mesures drastiques d'un Gouvernement que l'on qualifie vite de totalitaire. Tout cela parce que nos réveillons de Noël et du Jour de l'An ne seront pas les mêmes. Mais on vit dans cette même dichotomie absurde quand notre smartphone ne capte plus Internet car on se croit victime d'une catastrophe... Notre monde court à sa perte si les valeurs moyennes se perdent pour des futilités et si on est capables de s'insulter pour une place de parking, pour des camping-cars appelés "ventouses" qui squattent une aire ou prennent deux places de stationnement.

On a la chance d'avoir pu s'acheter des véhicules incroyables où il fait bon vivre et en même temps on s'aigrit pour un rien. C'est là que je trouve notre société folle, les étoiles, j'en suis sûr, pleurent pour nous.

 

Je vous souhaite de passer les meilleures fêtes possibles, si vous les fêtez. Mais l'histoire nous l'a appris cette année, la bonne année dure 365 jours et si les voeux du 1er janvier ne durent pas longtemps, c'est à nous de faire l'essentiel pour qu'ils se contentent du minimum : la santé, puis l'amour. L'argent ça va, ça vient, mais comme disait l'humoriste :"Quand ça vient, c'est mieux". Prenez soin de vous et de vos proches.

 

Par Matthieu Constanzo

© Matthieu Constanzo

 

 

Si vous avez manqué les épisodes précédents :

>>Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine #1

>>Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 2

>>Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 3

>>Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 4

>>Confinement #2 : journal d'un confiné en camping-car, semaine 5

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