Découvrir la Picardie en camping-car, étape 2/2

Poursuivons notre itinéraire en camping-car à la découverte des terres Picardes chargées d'Histoire.

Petite trêve culturelle

Le château de Coucy, dont la construction a débuté en l’an 920, a résisté aux Bourguignons au cours de la guerre de Cent ans. Un séisme l’endommagea en 1692. Il fut vendu à la Révolution comme Bien national et l’architecte Viollet-le-Duc le sauva des ruines en 1856. Mais en 1917, les Allemands viennent à bout du donjon en y déposant 28 t d’explosifs. Pourtant le château a toujours une belle prestance avec ses massives tours rondes à archères.

Pour visiter Laon, garez-vous sur le parking de la promenade Saint-Martin [GPS : (N) 49°33'40”/(E) 3°36'35”]. A deux pas, vous admirerez l’église éponyme du XIIe siècle puis, en suivant les remparts et quelques portes fortifiées comme celles d’Ardon et de Chenizelles, vous arriverez devant la cathédrale qui fait la fierté de la ville. Gothique avant l’heure, elle inspira les architectes pour construire celles de Reims et de Chartres et même d’autres hors de nos frontières : 110 m de long, 26 m de haut sous la nef, laquelle est surmontée de trois étages aux voûtes différentes. Mais ce qui est sans doute le plus beau, ce sont les vitraux du XIIe siècle de la rose des Arts libéraux, allégorie des études et des sciences (géométrie, arithmétique, médecine, philosophie musique…).

Nous rejoignons la commune de Guise. La mémoire de la guerre nous attrape sur le chemin avec le cimetière dédié aux soldats africains. Parmi les valeureux tirailleurs sénégalais et spahis algériens, un grand nombre ne rentrera pas au pays. Ces morts pour la France nous renvoient indéniablement au passé colonial de la patrie.

Le parking gratuit situé, quai de l’Oise [GPS : (N) 49°54'4”/(E) 3°37'40”], à 5 mn du Familistère, est aujourd’hui un havre de paix. Impossible de manquer cet ensemble de bâtiments en briques, typiques de la région, édifiés à la demande de Jean-Baptiste André Godin, le fabricant de poêles en fonte. Socialiste, fouriériste, il veut mettre son idéologie de justice sociale en pratique. Il crée pour cela un habitat collectif occupé par ses salariés, lesquels sont aussi acteurs de l’entreprise en étant fédérés en coopérative. Godin souhaite que les ouvriers aient accès au progrès, à la culture, à l’éducation et à l’hygiène, au même titre que la bourgeoisie. En 1889, 1 748 personnes dont 1 205 travailleurs de l’usine occupaient 490 appartements, bénéficiant de bonnes conditions de confort pour l’époque. Les ouvriers pouvaient aussi se rendre au théâtre (1 000 places), à la bibliothèque qui comptait 2 300 ouvrages ! Prévoyez du temps pour visiter cet ensemble architectural, flanqué de quelques appartements témoins et de nombreux objets du quotidien de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1960, la coopérative Godin ayant fonctionné jusqu’en 1968.

Du beffroi au canal Saint-Quentin

Le son du carillon du campanile de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, nous rappelle que nous sommes dans les Hauts-de-France. Nous admirons la façade gothique flamboyant de l’édifice. Nous vous recommandons la visite organisée par la direction de l’Architecture et du Patrimoine, pour admirer la salle des mariages (XVIe siècle) et la salle du conseil municipal de style Art déco. Sur la place, vous remarquerez un puits en fer forgé. Le 27 août 1914, le major britannique Bridges réquisitionna des instruments de musique et fit tourner ses hommes autour de ce puits au pas de la musique. Le but était de redonner de l’énergie à la troupe contrainte de quitter la ville pour ne pas tomber aux mains des Allemands. Nous prenons la route de Cambrai pour effectuer un détour et découvrir le “souterrain de Riqueval”. Nous n’en verrons que l’entrée. Cette voie navigable, enterrée sur 6 km, se trouve dans la continuité du canal de Saint-Quentin. Un toueur, sorte de remorqueur et dernier en Europe à être toujours en activité, fait la navette entre les deux extrémités du souterrain. Il tracte les péniches de commerce et les bateaux de loisirs à l’aide d’une chaîne à crémaillère posée au fond du canal. Deux heures sont nécessaires au convoi pour se rendre d’un bout à l’autre du tunnel. Il en fallait une bonne douzaine à l’époque où hommes, femmes et enfants hâlaient les péniches à la force des bras dans une obscurité quasi totale. Un ancien toueur se visite. On y découvre l’historique de la batellerie et de la technique employée ici. Une aire gratuite vous attend, juste à côté.

Le souvenir de la Première Guerre mondiale n’est jamais loin. En effet, on vous rappelle que les Allemands installèrent un immense plancher sur la voie souterraine pour cantonner leurs troupes sur la ligne de défense Hindenburg. Ironie de l’histoire, c’est ici que la première brèche dans les défenses allemandes se fit, en 1918.

Dans la Somme, le terrible conflit

Une aire près de la zone de loisirs de Péronne attend les campings cars. On peut aussi stationner sur le parking de la piscine [GPS : (N) 49°55'49”/(E) 2°55'54”] pour être plus près du centre-ville et de l’Historial de la Grande Guerre, installé dans l’ancien château-fort. Le nationalisme d’alors y est exacerbé par des affiches, y compris publicitaires (vous admirerez la lessive la Lorraine). Sur différentes cartes, on se replonge dans le contexte géopolitique de l’époque. Les uniformes, objets du quotidien, artisanat des soldats dans les tranchées… nous plongent dans le quotidien des combattants. Plusieurs vitrines relatent les incroyables et terribles reconstructions des corps mutilés (amputations, “gueules cassées”) montrant l’effroyable traumatisme vécu par des millions d’hommes.

N’hésitez pas à passer par la petite ville d’Albert. Dans un ancien souterrain du XIIIe siècle, devenu abri anti-aérien en 1940, a été aménagé le musée Somme 1916. Des mises en scène grandeur nature y évoquent la vie des soldats des deux camps. On retiendra notamment la reconstitution de tranchées sous un bombardement. Les effets sonores et visuels font froid dans le dos et font écho à ce que peuvent vivre aujourd’hui les combattants ukrainiens. Plusieurs vitrines montrent l’évolution des armements et l’utilisation sadique des gaz.

Près de La Boisselle, le Lochnagar crater, appelé aussi “Grande Mine”, a été le point de départ de l’offensive alliée du 1er juillet 1916. Pendant des jours, des mineurs gallois ont creusé un tunnel de 1,40 m de haut sur 75 cm de large pour s’approcher des lignes allemandes. Avançant de 5 m par jour, dans un silence absolu, pieds nus, ils arrivent à 30 m de leurs ennemis avant de déclencher une explosion qui va pulvériser les environs. Le cratère de 91 m de diamètre est devenu lieu de recueillement.

A quelques kilomètres, le mémorial de Thiepval est un énorme arc de triomphe sur lequel plus de 72 000 noms de soldats tués ou disparus ont été gravés.

A Beaumont-Hamel, le mémorial terre-neuvien est un des rares sites où l’on peut encore voir les réseaux de tranchées. Y apparaissent toujours quelques morceaux de ferraille et des queues de cochon, ces piquets métalliques torsadés sur lesquels étaient fixés les barbelés. Près de la statue du Caribou qui surplombe le site, on profite d’une vue exceptionnelle. Le 1er juillet 1916, en une demi-heure, le régiment canadien perdit 86 % de ses effectifs, victimes des mitrailleuses allemandes “rescapées” des bombardements anglais. On ne peut rester insensible au témoignage des jeunes étudiants canadiens qui, sur place, racontent cette histoire aux visiteurs.

Après Amiens, le village de Grivesnes vous offre un bivouac bien calme sur le parking de la mairie. Nous en profitons pour nous recueillir devant le monument aux morts où une belle statue d’un poilu dans son uniforme bleu horizon a été dressée. Quelques impacts de mitraille sur le mur du château témoignent de la violence des combats, ici aussi.

A Compiègne, pour arrêter le massacre…

S’il est un mémorial qu’il ne faut pas manquer, c’est le wagon dans lequel fut signé l’armistice le 11 novembre 1918. Situé dans une clairière de la forêt de Compiègne, ce wagon est en fait une copie, car l’original fut détruit en 1945 en Allemagne. Dans cette voiture qui semble sortie du roman de d’Agatha Christies, le Crime de l'Orient-Express, on imagine d’autant mieux les signataires que leurs noms figurent sur chaque chaise autour de la table. Des photos d’époque et différents textes retracent le cours de la guerre. Le musée nous emmène jusqu’au début du second conflit mondial, montrant l’accession du fascisme en Europe. En juin 1940, Hitler exigea que la France signe sa capitulation dans ce même wagon.

Après ces moments qui en disent long sur ce que la barbarie est capable d'engendrer, nous retrouvons un peu de légèreté en découvrant la ville. Une petite pause au parc de Songeons avant de rejoindre, le samedi, le beau et appétissant marché de la rue Saint-Corneille, à deux pas de l’hôtel de ville.

Notre itinéraire s’achève à Compiègne où les belles maisons à colombages comme “la Cassine”, l’hôtel de ville gothique brabançon et le chevet à pinacles et gargouilles de l’église Saint-Antoine… nous font oublier les horreurs de la guerre. Mais l’émotion que nous avons connue tout au long de notre parcours nous remémore les mots que Marx écrivit un jour dans le Figaro :

 Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. 

Des propos qui, en ces jours troubles que nous vivons, résonnent au fond de tous.

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